Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

mardi 24 mars 2015

Convaincre ou persuader

Deux couples déjeunent au restaurant.
-« Je prendrais bien du dessert, il y a des profiteroles au chocolat… suggère Régine.     
- Non, on n’a pas le temps, on a encore une heure de route à faire et je ne veux pas être en retard ! rétorque Samuel, son compagnon.   
- Allez, s’il te plait, fais-moi plaisir ! minaude-t-elle.        
- Bon d’accord, mais on se dépêche…         
- Dépêche-toi surtout parce qu’il n’en reste que deux, intervient Mireille. Moi, je m’en réserve déjà une…     
- Tu n’avais pas commencé un régime, Mireille ? s’étonne Kevin.           
- Oui, mais bon, je peux tricher de temps en temps. Toi, prends donc une glace, les gens de la table d’à côté ont l’air de s’en régaler. »

Une grande part de notre communication consiste à tenter d’emporter l’adhésion d’un interlocuteur (particulier ou collectif). Pour ce faire, nous pouvons utiliser de très nombreux outils, que l’on pourrait ranger dans deux grandes familles : d’une part ceux qui s’adressent à la raison – on parle alors de l’art de convaincre – et d’autre part ceux qui s’adressent aux émotions – on parlera alors des moyens de persuasion ou de suggestion, cette dernière agissant de façon moins consciente.

La conviction relève de la raison et sollicite le savoir ; elle s’appuie sur une démarche, un raisonnement, une démonstration qui vont aboutir logiquement à la conclusion proposée. Ainsi, dans notre exemple, Samuel explique les raisons de son impatience. 

De l’autre côté, la persuasion sollicite les désirs, les attentes, les rêves ou les émotions du destinataire, de façon à obtenir son adhésion spontanée et affective. C’est ainsi que Régine joue sur l’affectif pour persuader son compagnon d’attendre un peu. Mireille, elle, joue sur le manque pour renforcer le désir de Régine, et sur le consensus pour suggérer le choix de son dessert à Kevin. Quant à ce dernier, il met en lumière le manque de cohérence de Mireille, qui a déclaré vouloir faire un régime. Ce souci de cohérence, que le sociologue Leon Festinger a mis en évidence dans ses études sur la « dissonance cognitive », est un moteur puissant. Aussi Mireille trouve-t-elle une parade pour se justifier.

Il s’ensuit qu’on sera davantage persuadé pour des raisons personnelles, alors que l’on acceptera plus volontiers d’être convaincu par les raisons d’autrui.

Cependant, cette distinction entre conviction et persuasion est quelque peu artificielle : en réalité, ces deux types de moyens sont utilisés dans la plupart des communication, et sont parfois tellement imbriqués l’un dans l’autre qu’il est difficile de les démêler. On pourrait penser, par exemple, que les scientifiques vont essentiellement chercher à convaincre, au contraire des professionnels de la vente centrés uniquement sur la persuasion. Pourtant, l’expérience ne corrobore pas cette affirmation : dans leur communication, les savants ne négligent pas les effets de persuasion, et l’on sait combien les émotions colorent les débats entre experts, jusqu’à les amener parfois au conflit ouvert. Inversement, les techniques de persuasion utilisées dans le domaine commercial s’appuient souvent sur un socle d’éléments rationnels.

La réalité est donc plus nuancée que nos modèles… Vous ai-je convaincu ?


Renaud CHEREL


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