Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

mardi 29 novembre 2016

Divertissements et loisirs

Réjane adore aller au cinéma, à la fois pour voir les derniers films sortis, mais aussi pour l’ambiance particulière qu’elle trouve dans les salles et les échanges avec d’autres spectateurs.

Urbain, lui, est un passionné de foot et, fan de l’équipe de sa ville, il ne rate aucun de ses matches, auxquels il assiste muni de tous les accessoires nécessaires. Il apprécie aussi les troisièmes mi-temps et leur atmosphère chaleureuse pendant lesquelles on refait la partie.

Quant à Vianney, il préfère s’adonner à la photo d’animaux sauvages, qu’il pratique de préférence seul, faisant de longs affûts en forêt ou au bord d’un étang pour saisir l’instant magique, au crépuscule ou à l’aurore.

Dans son sens actuel, le divertissement est l’action de distraire ou de se distraire en s’amusant. Ainsi compris, le divertissement appartient donc à l’ensemble plus vaste des loisirs (certains loisirs studieux ne sont pas des divertissements). Dans un sens plus ancien, le divertissement est l’action de détourner de ce qui occupe. Plus précisément, pour les philosophes, c’est une occupation qui détourne l’homme de la pensée des problèmes essentiels qui devraient le préoccuper. Blaise Pascal en particulier a développé cette thématique. Selon lui, nous sommes tous à la recherche de divertissement, qui offre une consolation face à la difficulté d’être soi, d’être en paix avec ce que l’on est. Le divertissement permet de fuir l’idée de notre mortalité, de l’écoulement inexorable du temps et de notre faible degré de liberté dans le déroulement de notre existence.
Pour Blaise Pascal, le divertissement ns permet de ne plus
penser aux questions existentielles
Quant au mot loisir, il vient du latin licere, être permis : c’est le temps dont on peut librement disposer en dehors des occupations habituelles et de leurs contraintes. À partir de cette définition, on conviendra qu’il ne peut y avoir de temps libre, ressenti comme tel, que s’il est différencié d’un temps contraint. Et l’on constate que le concept de loisirs s’est historiquement développé à partir du moment où le temps de travail s’est trouvé nettement délimité. Il s’est généralisé dans les sociétés industrielles à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. On a commencé alors à distinguer le temps de travail et le temps libre, lequel comprend le temps biologique - sommeil, repas, hygiène corporelle -, et le temps pour soi, qu’on peut désigner par loisir. Dans d’autres sociétés, non industrielles, et chez nous avant cette délimitation claire, l’homme du peuple disposait assez librement de son temps de travail, lequel pouvait être interrompu par les aléas climatiques ou diverses occasions qui se présentaient spontanément.

Mais dans nos sociétés, depuis cette époque, une discipline de travail stricte a progressivement imposé un temps de travail bien délimité, dans le cadre d’une efficacité et d’une productivité accrues. Ce temps de travail bien organisé et circonscrit provoquera à son tour la revendication d’un temps pour soi : journée de travail de huit heures, repos dominical ou hebdomadaire, puis congés payés.

Aujourd'hui, nous sommes arrivés à une civilisation des loisirs où tout se passe comme s’il fallait absolument remplir ce temps dont nous disposons par un maximum d’activités. Serions-nous donc contraints d’occuper notre temps libre ?



Renaud CHEREL



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mardi 22 novembre 2016

Parler d'amour

Parler d’amour… dans notre belle langue française, le verbe aimer est un peu mis à toutes les sauces : on dit j’aime ma femme ou j’aime mon mari ; mais aussi j’aime mes enfants, j’aime le chocolat, j’aime la nature ou j’aime faire du vélo. Le verbe aimer vient du latin amare, et amour vient de amor ; ces mots avaient sensiblement le même sens en latin qu’en français. Il peut être intéressant de regarder comment, dans d’autres langues, on exprime la notion d’amour.

En italien, « je t’aime » se dit ti amo. Mais pour exprimer aimer au sens d'apprécier, les Italiens utilisent le verbe piacere, un verbe que l’on pourrait traduire par « cela me plaît ».
En espagnol, « je t’aime » se dit yo te amo ou yo te quiero, ce qui pourrait se traduire par « je te veux ». Pour les objets, on préfère utiliser le verbe gustar.
En anglais, « je t’aime » se dit I love you, mais pour les objets ou la nourriture, on utilisera plutôt le verbe to like : trouver agréable, plaisant, satisfaisant.
En allemand, « je t’aime » se dit ich liebe Dich ; mais pour des objets ou des mets, l’allemand préférera utiliser les expressions gern haben ou gern trinken (avoir ou prendre volontiers).

Pour moi, j’aime bien la façon dont les anciens grecs désignaient l’amour humain, en utilisant trois mots différents : éros, philia et agapè.

Éros : tout le monde connait le petit dieu joufflu qui tire ses flèches dans le cœur des amoureux. C’est le côté instinctif, physique, charnel de l’amour ; c’est l’éros qui parle dans l’élan amoureux, dans cette envie de l’autre, de son contact, qui nous pousse à séduire l’autre. En français, les termes dérivés d’éros, comme érotisme, ont bien ce sens-là. Éros, cet instinct amoureux, c’est aussi une force créatrice, une énergie vitale, qui se traduit par une fécondité. Cette fécondité peut s’exprimer dans différents registres : fécondité physique par le fait d’avoir des enfants, mais aussi celle mentale des penseurs, créatrice des artistes, spirituelle des mystiques...

Philia : c’est une relation d’estime mutuelle, d’égal à égal : dans cette forme d’amour il y a un échange, une réciprocité. La racine grecque philia se retrouve dans philosophie, amour de la sagesse, ou bien dans hydrophile, qui aime l’eau. C’est un amour qui s’intéresse, qui recherche l’autre, avec qui échanger sur un pied d’égalité. On pourrait traduire philia par amitié. Non pas au sens de la camaraderie, mais quelque chose de plus profond, l’ami proche sur lequel je peux compter, et pour qui j’éprouve une grande estime.

Agapè, c’est l’amour du prochain, l’amour gratuit qui n’attend pas de réciprocité. Depuis très longtemps, agapè a été traduit par charité ; malheureusement, on attache à ce mot de nos jours une connotation négative, un côté condescendant qui n’existait pas à l’origine. Agapè est un amour élargi, tourné vers les autres quelle que soit leur situation sociale ou matérielle, un amour désintéressé et universel.

Et de votre côté, qu’en dites-vous ?



Renaud CHEREL

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mardi 15 novembre 2016

Modérer ses excès?

Comment modérer ses excès ? Avant de répondre à cette question, précisons que les excès peuvent toucher de très nombreux domaines, comme par exemple :  
- les comportements alimentaires : boulimie et anorexie, gloutonnerie ou goinfrerie ;        
- les excès menant aux addictions et dépendances : drogue, alcool, tabac… sans oublier les dépendances sans substance : jeu, sport, sexe, Internet, travail, etc.      
- mais aussi les excès dans le domaine affectif : hypersensibilité ; excès de confiance et crédulité ; excès de gentillesse ; jalousie excessive ; susceptibilité ou méfiance excessive et surinterprétation…


De leur côté, les personnes souffrant de troubles bipolaires vont osciller entre des excès contradictoires, entre le « trop » et le « pas assez ».

On peut facilement imaginer que, face à ces excès extrêmement variés, les solutions à proposer soient, elles aussi, très diverses et prennent en compte le comportement particulier de la personne et éventuellement son histoire, notamment dans le cas des addictions.

Cependant, une personne excessive en tout peut très bien se satisfaire de ce qu’elle est et ne pas avoir envie de changer : elle croque la vie à pleines dents, pourquoi changer, les autres n’ont qu’à s’aligner. On peut affirmer que cette personne ne changera que si elle a décidé de changer. Les conseils extérieurs auront peu d’influence sur elle, et ce d’autant moins s’ils proviennent d’un intervenant dont les compétences ne sont pas validées à ses yeux. En effet, elle a besoin de contrôler la situation et de prendre elle-même les décisions. Vis-à-vis d’une telle personne, le conseil extérieur doit donc être donné à bon escient, seulement s’il est demandé et impérativement après une écoute attentive de la demande.

Face à ce type de personne qui se protège par une armure et ne laisse pas facilement apercevoir ses vulnérabilités, un apprivoisement réciproque est nécessaire. N’oublions pas que l’excès est souvent corrélé avec un certain déni de ses propres faiblesses et des comportements qui en découlent. L’apprivoisement peut passer par des activités réalisées ensemble, car l’excessif fonctionne beaucoup à l’instinct, et il lui faut souvent dissiper son énergie excédentaire par le corps. 

Ensuite seulement, on pourra solliciter son mental, utiliser le raisonnement et l’argumentaire pour mettre en lumière les inconvénients de son comportement excessif et l’intérêt d’une certaine modération. On veillera à ne pas affirmer "Tu as mal fait", car ce genre de message ne passe pas du tout et risque de bloquer la personne ou même l’inciter à en faire encore plus. Au contraire, lui dire : "Tu as fait à ta manière, et tu vois les résultats ; je voudrais que tu utilises telle façon de faire. Puis on en reparlera ensemble". Pour les sujets qui connaissent des excès affectifs, on portera plus particulièrement l’attention sur la valorisation de la personne et sur l’amélioration de son estime de soi.

La personne peut décider de s’en sortir seule et travailler sur soi ; cependant, dans tous les cas, le recours à un tiers neutre est bénéfique, à condition que cela passe par un échange bienveillant et sans jugement.



Renaud CHEREL

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mardi 8 novembre 2016

Excès ou modération?


-« Je fais tout à l’excès, affirme Charlotte, je fonce tout de suite. La nourriture, j’arrive pas à m’arrêter. Excès dans mes paroles, après j’ai des regrets : ça va vite, je le sors, et puis je me dis : "Merde !" mais c’est déjà parti…

- Pour moi, je réagis à tout au quart de tour, rétorque Abel. Je suis le dernier de six enfants : pour exister, il fallait faire du bruit. Aujourd'hui, je prends ma place avec violence là où je vis et dans mon travail. Ça ne me facilite pas toujours la vie, parce que dans mes excès il n’y a pas de mesure, évidemment. J’aime la vitesse : je compense en faisant de la moto à 250 km/h, c’est jouissif.

- Euh… Ce n’est pas exactement mon comportement, glisse Edgar. Je suis assez prudent et j’ai plutôt tendance à examiner la situation avant de me lancer dans quelque chose. Comme le dit le proverbe, je préfère tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler. Du coup, je laisse parfois passer les occasions sans les saisir…

- Pour moi, l’excès est du côté émotionnel, explique Églantine ; mes émotions sont intenses, je passe par des hauts et des bas sans arrêt. Par exemple tombe facilement amoureuse, mais très vite il y a des grains de sable, les défauts de l’autre deviennent insupportables et la relation ne dure pas très longtemps. Après la rupture, je regrette et je me reproche la façon dont je m’y suis prise. »

« L’excès nuit en tout », affirme un dicton. Mais, du point de vue personnel, les choses ne sont pas aussi simples, car certaines personnalités ont plus que d’autres une propension à faire des excès. Ces personnes ont en général un formidable appétit de vivre et veulent ressentir tout à fond, sans demi-mesure. En général, ce sont des personnes directes, qui disent ce qu’elles pensent sans ambages ; les hésitants les ennuient et elles ne supportent pas ceux qui « tournent autour du pot ». Elles ont du mal à mesurer les « dégâts collatéraux » de leurs dires ou de leurs actes, et pour cette raison font souvent peur à leur entourage. Ayant tendance à faire des excès, ces individus – mais pas seulement ceux-là – peuvent tomber dans des comportements d’addiction et de dépendance : drogue, jeux, sexe, alcool, tabac…

Églantine, elle, présente un autre type de personnalité excessive, caractérisée par une instabilité affective. Celle-ci est liée à un profond sentiment d’abandon contre lequel elle lutte en idéalisant son partenaire. Mais celui-ci n’étant pas parfait, il ne tarde pas à se montrer inférieur à l’image projetée sur lui, d’où la rupture. Églantine, qui n’est pas bête, se rend bien compte de ce qui se passe, mais elle vit son comportement comme irrépressible.

Peut-on supprimer ses excès ? Sauf accident, on ne peut pas changer le fond de sa personnalité ; par contre, on peut en modifier l’expression ; d’ailleurs, l’expérience aidant, beaucoup de gens se modèrent avec l’âge. Nous examinerons quelques moyens dans le prochain message.



Renaud CHEREL



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mardi 1 novembre 2016

Souviens-toi que tu vas mourir


Il est de tradition, dans les pays d’influence chrétienne, d’aller se recueillir sur les tombes de nos proches le 1e novembre (jour de la Toussaint) ou le lendemain (commémoration des défunts), coutume assez répandue en France, même parmi les non-croyants. À l’origine, le choix de la date a probablement été lié à la symbolique de cette saison d’automne, marquée par la diminution de la longueur des jours, par la chute des feuilles et l’arrivée des premiers froids, ainsi que de la mise en hibernation de certains animaux, tous signe d’un ralentissement de la vie dans la nature et indirectement annonciateurs de la mort. Les pratiques funéraires figurent parmi les caractéristique des êtres humains, et nos ancêtres les plus reculés marquaient déjà leur respect envers les morts.

Il est certainement bon de trouver quelques occasions dans l’année de songer à notre fin dernière. Car dans la vie quotidienne, pris par nos activités et nos préoccupations, nous n’y pensons pas trop. Ou plutôt, nous éloignons cette perspective de notre conscience, car au fond la mort, qui représente le mystère ultime, la mort nous effraie. Et tous nos divertissements ne seraient que des moyens d’échapper à la pensée de notre condition mortelle.

Et pourtant, lorsqu’on y songe, on découvre que la mort est intrinsèquement liée à la vie, comme l’ombre à la lumière, comme les deux faces d’une même pièce. Il n’y a pas de vie sans mort ; on peut même ajouter que, dans ce monde matériel qui nous entoure, il n’y a pas d’existence sans mort. Tout doit mourir, tout doit partir. Tous les hommes mourront un jour, toutes leurs réalisations, toutes les villes et les monuments qu’ils ont construits périront. Même les plus hautes montagnes, l’Everest et tous les orgueilleux pics de l’Himalaya disparaîtront un jour, de même que notre terre, le soleil et toutes les étoiles… Mais cela est évidemment bien loin de nous.

Bien plus près, je peux évoquer le fait que je suis d’une certaine façon mort à ce que j’ai été : je ne suis plus le bébé que j’étais il y a quelques décennies, ni l’enfant ou l’adolescent que je fus, avec ses projets, ses interrogations et ses contradictions. Non seulement je ne peux pas revenir en arrière dans mon passé, mais si j’y revenais, je ne serais pas la même personne, car riche d’une autre histoire. Il faut donc me faire une raison : ce temps-là ne sera plus jamais et c’est donc une petite mort dont j’ai à faire le deuil. À chaque étape de ma vie, nourrisson, enfant, adolescent, jeune adulte, adulte, vieillard, décrépit, j’ai à porter le deuil de celui que j’étais et que je ne serai plus jamais. En poussant ce raisonnement à sa suite logique, je peux dire que, d’une certaine façon, je meurs à chaque instant que je vis, puisque je ne suis plus ce que j’étais précédemment.

Ces réflexions vous donnent peut-être le tournis, mais ce me semble être une façon de faire face à l’idée de votre mort. Memento mori : souviens-toi que tu vas mourir.



Renaud CHEREL

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