Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

lundi 30 juin 2014

Usages de la négation

La notion de négation est une opération complexe de l’esprit qui suppose d’abord une affirmation de la chose que l’on veut nier. La négation n’existe pas chez les animaux, et cela les oblige souvent à montrer l’opposé de ce qu’ils veulent dire. Gregory Bateson cite l’exemple suivant : deux chiens, s’approchant l’un de l’autre, échangent le message : "Nous n’allons pas nous battre." Mais comment s’y prennent-ils ? Pour mentionner le combat sans combattre, ils choisissent de montrer les crocs. Il leur faut ensuite découvrir que mentionner le combat de cette façon n’était en fait qu’une démarche exploratrice.

Chez les humains, le cortex préfrontal, rationnel, a intégré la négation ; mais celle-ci n’existe pas pour l’inconscient, qui s’exprime par images (visuelles ou émanant des autres sens : sonores, tactiles, etc.) Pour en faire l’expérience concrète, je vous demande de ne pas penser à une banane rouge : que se passe-t-il dans votre esprit ?

Le fait que l’inconscient ne comprenne pas la négation a des conséquences très importantes sur la confiance en soi et sur la communication avec les autres.

- Pour la confiance en soi et le développement personnel, l’expérience montre que les résolutions négatives, du genre « je ne dois pas arriver en retard », « je ne vais pas continuer à fumer » ou « je ne suis pas plus bête qu’un autre » n’ont aucun effet. Pour espérer obtenir des résultats, il est impératif de toujours formuler vos résolutions de manière positive ! Émile Coué avait bien compris ce principe quand il avait énoncé sa célèbre méthode.

Dans quelque domaine que ce soit, focalisez-vous sur ce que vous voulez, et non sur ce que vous ne voulez pas. Puisque la négation nécessite d’abord une affirmation, votre attention va nécessairement se porter sur ce que vous cherchez à éviter, qui va donc prendre encore davantage d’importance. C’est un peu comme lorsqu’on apprend à conduire ou à faire du vélo : en se centrant sur la chaussée où il désire passer, le débutant réussit mieux que s'il regarde le mur ou le trottoir qu'il cherche à éviter mais qu'il risque alors de percuter... Personnellement, j'en ai fait l'expérience la première fois que j'ai conduit sur l'autoroute italienne entre le Mont-Blanc et Turin : les Italiens roulent vite et les voies sont plus étroites qu'en France ; dans les tunnels, je regardais loin devant pour bien maintenir mon cap ! Apprendre à se focaliser sur ce que l’on veut plutôt que sur ce que l’on cherche à éviter demande un certain travail. Essayez !

- Pour la communication avec les autres, il se passe exactement la même chose : la négation focalise l’attention sur ce qui est nié. Les parents doivent donc la manier avec doigté. Rappelons que, bien évidemment, les interdits et les limites sont indispensables à la construction de l’enfant. Un enfant sans limites n’est pas libre car il est l’otage de ses pulsions, ni heureux car il vit dans l’angoisse. Ceci étant posé, dans la plupart des circonstances, une approche positive plutôt que négative permettra à l’enfant de se développer et de s’épanouir. « Tu n’as pas le droit de sauter sur le canapé » peut être assorti de « je vois que tu as besoin de sauter, viens, on va à un endroit qui le permet ». De même, dans notre communication avec autrui, favorisons l’expression positive.

Renaud CHEREL


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     Négation et dénégation
    10 outil pour gérer le stress : décider, savoir dire non 

lundi 23 juin 2014

Négation et dénégation

Deux amies discutent :

-« Quand mon boss m’a dit ça, je n’ai pas répondu, mais je n’ai absolument rien fait de ce qu’il m’avait demandé ! » explique Inès.
-« Non, c’est pas vrai ! Tu n’as pas osé !? » questionne Fanny.
-« Je n’ai eu aucun scrupule, d’autant plus que ce n’était pas dans mes attributions de fonction. »

Selon le Petit Robert, la négation est l’acte de l’esprit qui consiste à nier, à rejeter une proposition, une existence. Quant à la dénégation, c’est le refus de reconnaître comme vrai un fait ou une assertion.

« Non » fait partie des premiers mots de l’enfant, dont, à cinq ou six ans, il sait fort bien définir le sens comme l'expression de son désaccord, le refus de faire quelque chose qu'il n'aime pas, ou encore l'absence d'envie. Jeu d’enfant ? Pourtant, à la réflexion la négation n’est pas si simple qu’elle ne le paraît au premier abord.

D’abord, pour qu’il y ait une négation, ne faut-il pas en préalable une affirmation ? Dans ce cas, la négation n’est qu’une affaire de mots exprimant l’inverse de quelque chose qui est : elle n’existe pas en soi. La réponse à cette question doit être nuancée. Effectivement, quand je dis non, quand je nie, j’exprime un refus par rapport à une proposition ou une réalité positive. Mais n’y a-t-il pas du négatif existant en soi ? Par exemple, lorsque je dis « cet homme n’est pas grand », cette proposition négative pourrait être remplacée par une affirmative : « cet homme est petit ». De même, je peux dire qu’existent le mal, la mort, le néant, le vide, l'imperfection, etc.

Ensuite, n’y a-t-il pas différentes formes de négation ? Car il convient de distinguer la négation active et la négation passive, distinction qui introduit des degrés de nuances intermédiaires entre une chose et son contraire. Par exemple :
- la négation passive du mouvement est le repos, sa négation active est le mouvement en sens opposé ;  
- la négation passive de la richesse est la pauvreté ; sa négation active est l’endettement ;
- la négation active de la croyance en un ou des dieux est l’athéisme : « il n’y a pas de dieu » ; sa négation passive est l’agnosticisme : « je ne sais pas si un dieu existe ».       
- comprendre l’impossibilité de quelque chose est une négation active ; ne pas comprendre la possibilité de cette chose est une négation passive.

Dans leur conversation, les deux amies pratiquent ces deux sortes de négation : Inès use de la négation passive vis-à-vis de son supérieur hiérarchique, alors que Fanny, en contrant directement son amie, est dans la négation active. Quoique… la tournure interrogative de sa phrase peut laisser deviner qu’elle ne remet pas réellement en cause les propos d’Inès.

Certaines personnes reconnaissent ne pas savoir dire non et ont conscience de se priver ainsi d’un moyen d’affirmation de soi : paradoxalement, la négation peut être au service de l’affirmation !


Renaud CHEREL


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lundi 16 juin 2014

Se libérer des doubles contraintes

Exemple d'injonction paradoxale
ou double contrainte
Il est possible de se libérer des doubles contraintes dans un certain nombre de cas, même si cela n’est pas chose aisée. Je résume ici quelques moyens proposés par Robert Dilts, l’un des chercheurs qui ont développé la PNL*.

Diminuer l’intensité de la relation
Plus on est impliqué, plus la contrainte est forte. Confronté à une double contrainte, on pourrait se dire "cela n'a pas d'importance", ou se dissocier des réactions émotionnelles. Mais ce sont des solutions à court terme. Plus efficace est de développer une référence interne plus solide, ce qui diminue le pouvoir détenu par l'autre personne car on devient moins dépendant d'elle.

Distinguer les messages contradictoires.
Il s’agit de détecter les doubles messages contradictoires quand on les reçoit. Souvent, la contrainte est présupposée mais non explicitement énoncée dans la phrase. Par exemple, si l’on adhère au contenu de la phrase : « L'espoir fait mal », on doit choisir entre désespoir et souffrance, dont aucun n'est désirable.
Une autre difficulté dans le tri des injonctions contradictoires est que l'un des messages est à un niveau plus abstrait que l'autre. Il s’agit d’apprendre à reconnaître les différents niveaux de communication, qui peuvent passer hors du message verbal. Supposons qu’Alban dise à sa fille Capucine : « Tu ne devrais pas faire cela ici ». En appuyant la voix sur TU, le message sera interprété comme mettant en cause Capucine ; au contraire si Alban dit : « Tu ne devrais pas faire cela ici », il insiste sur le comportement de sa fille : c’est un message moins impliquant.

Faire des méta-commentaires
On peut formuler des commentaires sur la communication que l'on reçoit ; il ne s’agit pas d’accuser l’autre mais de constater les faits. Par exemple, dire : « Si je ne fais pas cela, je me sens mal parce que… et si je le fais, je me sens mal parce que… » ou bien simplement : « Que se passe-t-il dans notre relation ? » L’autre n’est pas forcément conscient de ses injonctions contradictoires, et cela peut l'aider à en prendre conscience.

Neutraliser les messages négatifs d'identité.
Cela implique aussi de distinguer les différents niveaux et séparer l'identité d’une personne et son comportement (cas de l’exemple entre Alban et Capucine). Une échappatoire à une double contrainte consiste à distinguer les niveaux logiques pour pouvoir passer de l’un à l’autre, ce qui peut devenir une source de créativité.

Sortir du cadre
La sortie du cadre peut empêcher la situation de devenir intolérable. Par exemple en se mettant en position d’observateur de la situation, ce que la PNL appelle la dissociation mentale. Ou bien en quittant physiquement le lieu, ou en faisant d’autres choix.

Empêcher la situation de devenir une expérience récurrente.
Nous nous enfermons souvent dans des jeux relationnels dont le scénario est récurrent. On peut chercher à isoler les situations de double contrainte en les traitant comme des événements et non pas comme faisant partie de notre identité. C’est « quelque chose qui m'est arrivé » et non pas « quelque chose qui a changé ce que je suis ».

* PNL : Programmation Neuro-Linguistique.


Renaud CHEREL


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lundi 9 juin 2014

Paradoxes de la vie ordinaire

"Relativité", gravure présentant des paradoxes visuels.
(M.C. Escher)
Dans la vie ordinaire, il nous arrive, parfois volontairement et parfois sans nous en rendre compte, de manier le paradoxe ou de nous trouver dans des situations paradoxales. Je veux parler ici des paradoxes au sens de contradictions logiques, au moins dans leur apparence. Voici d’abord quelques affirmations paradoxales : 

- « Cette proposition est fausse » : si la proposition est fausse, ce qu’elle affirme est vrai, donc elle n’est pas fausse.     
- « Je suis un menteur » : si je suis un menteur, mon affirmation est vraie, donc je ne mens pas : je ne suis pas un menteur.                    
On voit là une propriété de tous les paradoxes logiques, à savoir la circularité.

Certaines situations paradoxales peuvent avoir des conséquences graves. Quand Léon ordonne à sa fille : « Sois spontanée ! », c’est une demande évidemment impossible à tenir : si Roseline obéit à son père, elle n’est plus spontanée. L’injonction paradoxale, étudiée par Gregory Bateson sous l’appellation double contrainte, consiste à placer une personne entre deux obligations contradictoires, la première étant consciente et l’autre non. Ces situations peuvent avoir des conséquences très négatives pour la personne qui y est soumise. Et pourtant, nombre de parents, parfois sans s’en rendre compte, soumettent leurs enfants à des situations de ce type.

On trouve également des doubles contraintes dans le cadre du travail. Par exemple, la situation de Paulette dont la charge de travail est devenue tellement importante qu'elle n'est plus capable d'y faire face. Si elle fait une partie de son travail, elle sait qu'une autre tâche ne sera pas réalisée. D'un autre côté, si elle ne le fait pas, ce ne sera pas fait. Et si elle travaille d’arrache-pied pour concilier le tout en sacrifiant sa vie privée, sa hiérarchie, considérant qu’elle est capable de le faire, lui ajoutera une nouvelle tâche : c’est un cycle sans fin, dont elle risque de sortir par un burn-out, un épuisement physique, émotionnel et mental.

D’autres propositions paradoxales plus générales, comme « il est interdit d’interdire », ou bien « il ne faut jamais dire jamais »… s’avèrent moins toxiques, parce que la personne qui y est soumise est dans une relation moins intense émotionnellement (dans le cas de la relation parent-enfant), ou avec des enjeux moins forts (risque de perte d’emploi) que dans la double contrainte.

Il peut aussi arriver que l’on s’empoisonne la vie par des auto-injonctions paradoxales, du genre « je dois prendre du plaisir » ou « il faut que je sois heureux ». En se donnant à soi-même pour obligation d’atteindre un état censé naître spontanément, on a peu de chances d’atteindre l’objectif fixé.

Autre situation : Maxime, en rentrant du travail, déverse sa tension et sa mauvaise humeur sur sa compagne, Tessa, alors qu’il affirme l’aimer plus que tout : paradoxalement, c’est auprès de ceux qui leur sont les plus proches que beaucoup de gens vont consentir à exprimer leurs émotions les plus négatives.

Alors, peut-on se sortir des situations de paradoxe ? Nous examinerons
un certain nombre de moyens dans le prochain message.

Renaud CHEREL


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    Ambiguité des mots

Liens externes :
M.C. Escher a exécuté de très nombreux dessins présentant des paradoxes visuels. Pour plus de détails, consulter le site officiel  http://www.mcescher.com/

lundi 2 juin 2014

Comment réussir sa vie ?


Dans le précédent message, j’abordais la thématique « réussir sa vie », qui a interrogé un certain nombre de lecteurs et de lectrices. Je ne peux évidemment pas prétendre apporter de réponse à leur questionnement, pour plusieurs raisons :    
        
- D’abord, qui suis-je pour donner des conseils afin de réussir votre vie ? Des centaines de sites sur Internet vous proposent les 10 moyens ou les 5 recettes pour ce faire, inutile d’en rajouter !   
   
- Ensuite, les critères sur lesquels on peut juger qu’une personne a réussi sa vie sont extrêmement variés. Pour prendre quelques exemples : Nelson Mandela a consacré toute son énergie à défendre un idéal et à lutter contre l’apartheid dans son pays ; sœur Emmanuelle a choisi de se consacrer à des pauvres laissés pour compte. Akio Morita (Sony) ou Bill Gates (Microsoft) ont investi dans leur projet d’entrepreneur et réussi exceptionnellement ; Alexandra David-Néel a exploré des régions d'Asie inconnues des occidentaux ; Albert Einstein s’est consacré à la physique et ses découvertes continuent de fertiliser la science d’aujourd'hui ; Zinedine Zidane, parti de rien, est considéré comme le meilleur joueur européen de l’histoire, etc. 
Ces personnes ont-elle réussi leur vie ? Je vous laisse le soin de répondre. Mais il y a aussi des millions d’anonymes qui ont su poursuivre leur rêve tout au long de leur vie ou qui ont su accomplir très discrètement ce qui était conformes à leurs valeurs.
    
- À l’inverse, on peut citer des exemples, comme le peintre Vincent Van Gogh dont les toiles s’arrachent à prix d’or, ou Romain Gary, seul écrivain à avoir jamais décroché deux fois le prix Goncourt, et bien d’autres personnalités, dont les œuvre ont connu un grand succès, mais qui pourtant se sont suicidés. J’ai du mal à imaginer qu’ils jugeaient avoir réussi leur vie ; ils pensaient probablement avoir échoué, ne serait-ce qu’au moment où ils prirent la décision d'en finir.

Pourtant, je suis convaincu que l’on peut apprendre à vivre, selon le mot de Luc Ferry. Il s’agit moins de posséder le bonheur que de vivre heureux, moins de demeurer statique, cramponné sur ce que l’on a, que d’être dans une dynamique – toujours fragile, parfois instable – qui nous fait avancer. Cela ne s’apprend pas à l’école, mais je vois au moins deux chemins possibles pour cet apprentissage.   
- Le premier, c’est de profiter de l’expérience accumulée dans votre propre vie, après avoir traversé des épreuves et connu à la fois des succès et des échecs. 
- Le second, c’est de vous appuyer sur des modèles qui à vos yeux incarnent une vie réussie. La liste de ces personnes-là vous est personnelle, elle peut comprendre des personnalités connues ou des gens anonymes qui vous ont individuellement marqué à un moment donné.

La vie des grands sages s’inscrit dans une quête spirituelle, s’appuie sur des valeurs intérieures et se concrétise dans une certaine discipline de vie, évitant les excès dans un sens comme dans l’autre, ce que les orientaux nomment la voie médiane. Comme le dit Épictète, concentrons-nous sur ce qui dépend de nous et acceptons sereinement ce qui ne dépend pas de nous !



Renaud CHEREL



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