Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

lundi 28 avril 2014

Pensée magique


Ernest joue régulièrement au Loto, et il lui arrive de gagner de petites sommes ; il est persuadé être capable d’anticiper les combinaisons gagnantes, mais que cela lui demande une intense concentration mentale. Ainsi, il explique à son entourage que, s’il n’a pas gagné cette fois-là, c’est qu’il était déconcentré. La prochaine fois, c’est sûr, il va décrocher le gros lot.

En prévision de l’été, Giselle a acheté une crème amincissante en se disant : « grâce à ce produit, ma silhouette va s’améliorer en un rien de temps ! Je vais avoir un corps plus mince, plus ferme, donc plus jeune. » Malheureusement, un mois plus tard, le miracle n’a pas eu lieu : c’est la déception pour Giselle, qui se sent coupable de ne pas arriver à s’occuper assez d’elle-même.


Jean-Gabriel transporte toujours avec lui, dans son portefeuille, un « vrai » trèfle à quatre feuilles qu’il a trouvé dans sa pelouse et qu’il a fait soigneusement fait sécher : il se dit que cela lui porte chance. Par ailleurs, quand il se trouve face à certaines difficultés, Jean-Gabriel a le réflexe de se croiser les doigts : il espère ainsi mettre de son côté les conditions favorables pour s’en sortir plus facilement.

Linda détient une liste de saints spécialisés dans la résolution de divers problèmes : saint Antoine de Padoue pour protéger ses petits-enfants, sainte Barbe contre les brûlures, saint Cloud contre les maladies de peau, sainte Apolline contre les rages de dents ; en dernier recours, pour les cas les plus difficile, elle invoque sainte Rita.

La plupart d’entre nous – même ceux qui s’en défendent – peuvent avoir recours une fois ou l’autre à des formes de ce qu’on appelle la pensée magique. Celle-ci pourrait être définie comme une tendance à chercher les liens symboliques et signifiants entre choses et événements. Autrement dit, la croyance que certaines pensées pourraient provoquer l’accomplissement de ses désirs ou empêcher des événements ou des problèmes.

Selon l’ethnologue Frazer, la pensée magique comporte deux grands principes :            
- La loi de la similarité : les objets présentant une ressemblance seraient liés de façon causale d’une manière incompréhensible par la science.    
- La loi de la contagion : les objets ayant été en contact physique ou ayant été associés dans le temps conserveraient un lien même après leur séparation.

En fait, même dans nos sociétés occidentales, les deux modes de pensée, magique et rationnelle, coexistent chez chacun à différents niveaux. Chaque enfant, au cours de son développement, passe normalement par une phase faisant intervenir la pensée magique. Dans son monde imaginaire, il se donne l’illusion d’un pouvoir sur les événements, choses et les gens. Une fois adulte, c’est la pensée rationnelle qui domine, mais nous conservons souvent des traces de pensée magique. Un excès dans ce domaine peut indiquer la présence de troubles anxieux, de dépression, de trouble obsessionnel compulsif (TOC). Mais pour la plupart d’entre nous, cela a le plus souvent de faibles conséquences.

Et vous, vous arrive-t-il parfois d’avoir recours à la pensée magique ? 

Renaud CHEREL


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    L'enchantement du monde

lundi 21 avril 2014

Jeux psychologiques

C’est Éric Berne, le fondateur de l’analyse transactionnelle, qui a introduit le concept de jeu psychologique. Prenons un exemple pour mieux comprendre :    
       
Térésa : « Papa, j’ai besoin que tu m’aides à faire mon devoir maths, j’y comprends rien.
- Tu as bien lu l’énoncé ?      
- Oui, mais c’est du charabias.          
- Quels sont les mots que tu ne comprends pas ?     
- Je comprends rien du tout ! C’est du chinois ! »   
Paco commence à s’énerver : « Mais enfin, c’est du français ! Tu sais lire tout de même !
-Si tu le prends comme ça, c’est même pas la peine que je te demande ! Tant pis, j’aurai zéro, et ce sera de ta faute !   
- Ma faute ? Mais c’est ton devoir ! C’est bien la peine que j’essaye de t’aider ! Chaque fois c’est la même chose, j’ai beau essayer de t’aider, tu m’envoies sur les roses. Puisque c’est comme ça, débrouille-toi toute seule !
Et le père s’en va en claquant la porte.

Éric Berne décrit ce type d’échange comme un jeu psychologique. Pourquoi utilise-t-il le mot « jeu » ? Parce que comme dans un jeu, les partenaires, tout en improvisant, suivent un certain nombre de règles, qui donnent un aspect répétitif à l’échange : Térésa et son père se retrouvent régulièrement dans cette situation, dont l’issue est quasiment fixée d’avance. La différence entre le jeu psychologique et le jeu conventionnel tient au fait que, dans le premier, les règles sont cachées, inconscientes pour les joueurs. Éric Berne parle d’une « série de transactions cachées, complémentaires, progressant vers un résultat bien défini, prévisible ». Le jeu psychologique est en fait un échange entre deux ou plusieurs personnes dont le but réel pour chacun n’est pas la poursuite de l’échange au niveau de ce qui est dit ou de ce qui est visible, mais à un niveau sous-jacent, caché. À l’issue de ce jeu, chacun va en tirer des bénéfices, mais ce sont des bénéfices négatifs : en effet, nous sommes des êtres sociaux et la plupart du temps, nous préférons recevoir un bénéfice négatif plutôt que pas d’interaction du tout.

Une façon de représenter le jeu psychologique a été proposée par Stephen Karpman avec ce qu’il appelle le Triangle dramatique : il explique que trois rôles sont nécessaires pour que le « drame » se déroule : un Persécuteur, un Sauveteur et une Victime. Bien entendu, ce sont en général des rôles fictifs, bien que parfois ces rôles deviennent réalité. Reprenons le scénario joué entre Paco et Térésa :

Au début de l’échange, Térésa se pose en Victime et Paco en Sauveur ; le Persécuteur, non présent, peut être représenté par le prof de maths. Au cours de l’échange, les rôles évoluent, et c’est le père qui se pose en Victime, plaçant sa fille dans celui de Persécuteur. C’est ce que Berne appelle le « coup de théâtre », avec un renversement des rôles et une sortie qui rompt l’échange, par exemple ici en claquant la porte.

Renaud CHEREL


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lundi 14 avril 2014

A quoi jouez-vous ?

Irène et son lapin prennent le thé
Irène, 6 ans, a installé son lapin en peluche devant sa dînette soigneusement disposée sur le sol et lui fait absorber un repas imaginaire ; ce faisant, elle imite les gestes de sa mère et utilise les mêmes expressions et les mêmes inflexions de voix pour inciter le poupon à finir son assiette. Irène aime bien jouer à la poupée.

Pour se maintenir en forme, Franck a décidé de faire de l’exercice deux fois par semaine pendant la pause de midi ; il avait le choix entre plusieurs possibilités, dont faire de la musculation ou jouer au tennis. Il a préféré cette dernière option et s’adonne régulièrement à ce jeu qui lui permet d’exercer à la fois son physique et son mental, en relation avec des partenaires agréables.

Justin en pleine action
Justin est un fan de jeux vidéos ; il a commencé très tôt dans son enfance mais, à plus de trente ans, il occupe une grande partie du temps passé dans les transports publics à jouer sur son Smartphone ; il aime bien en particulier les jeux de stratégie et les jeux d’aventure. Il déclare que cela lui permet d’occuper le temps de transport long et ennuyeux, mais aussi d’entretenir ses fonctions cérébrales.

Huguette joue régulièrement au bridge avec un cercle d’amies. Pour elle, c’est un rendez-vous à ne pas manquer, un moment de convivialité et d’échange : chacune invite à tour de rôle les autres chez elle à l’heure du thé, et le jeu s’organise dans une ambiance détendue en dégustant une nouvelle recette de petits gâteaux.

Le jeu, sous une forme ou sous une autre, fait partie de la vie de la plupart d’entre nous – il y a cependant des personnes qui ne jouent jamais – mais cette présence du jeu est sans doute davantage marquée aujourd'hui que par le passé. En effet, l’avènement des congés payés et l’élévation générale du niveau de vie ont contribué à augmenter considérablement la part des loisirs dans notre emploi du temps.

Mais qu’est-ce qu’un jeu, au fond ? Beaucoup de définitions ont été proposées, mais j’aime bien celle de Colas Duflo, pour qui le jeu est l'invention d'une liberté au sein d'une légalité particulière définie par la règle du jeu ; il utilise le terme « légaliberté » pour nommer cette liberté particulière. Ainsi, Irène fait évoluer son poupon à l’intérieur de règles non formulées : « On ferait comme si j’étais une maman et ce poupon, mon enfant. » Franck a choisi le tennis : c’est un sport, comme la musculation, mais cette dernière, qui ne suit pas de règles précises, n’est pas un jeu. On peut retrouver ces mêmes caractéristiques dans l’activité de Justin et celle d’Huguette.

Cette activité, à laquelle on s'adonne pour se divertir, tirer du plaisir et de l'amusement, n’a pas d’utilité directe. Par contre, elle joue un grand rôle dans le développement de qualités telles que la mémoire, l’imagination, l’attention, la concentration, l’adaptabilité, les capacités motrices, et plus généralement la capacité de résolution de problèmes et la compréhension des règles sociales.

Et vous, à quoi jouez-vous ?

Renaud CHEREL


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lundi 7 avril 2014

Compétition et concurrence

Compétition : recherche simultanée par deux ou plusieurs personnes d’un même avantage, d’un même résultat.

Concurrence : rivalité entre plusieurs personnes, plusieurs forces poursuivant un même but. Rapport entre entreprises, commerçants qui se disputent une clientèle.

Au XIXe siècle, les partisans du libéralisme économique ont justifié la concurrence en affirmant que c’était un fonctionnement naturel par excellence, et que les êtres vivants sont sans cesse dans un rapport de concurrence les uns avec les autres : la « Loi de la jungle ». Cette affirmation d’une « concurrence naturelle » a permis de justifier nombre de comportements négatifs par leurs conséquences sur les personnes et sur la société dans son ensemble. Et même si aujourd’hui l’on ne se réfère plus explicitement à cette théorie, il me semble – sans être en aucune façon un spécialiste en économie – qu’elle demeure un des piliers de beaucoup de théories économiques et qu’elle permet de justifier des décisions parfois discutables dans le fonctionnement des entreprises actuelles.

Or, cette affirmation s’inscrit dans un paradigme particulier : depuis Darwin, une sorte de dogme domine les science de la vie, que l’on peut énoncer de la manière suivante : la lutte pour la survie est le principal ressort de l’évolution du vivant. En découlent obligatoirement, disait-on, les rapports de concurrence. Pourtant, au cours de mes études, dans le cadre d’un DEA en écologie végétale en 1973 (il y a 41 ans déjà !), j’avais été intrigué par le fait qu’il existait, en dehors de la concurrence et de la compétition, des modalités de relations entre les êtres vivants extrêmement variées : la symbiose, le mutualisme, le commensalisme, le parasitisme... Mais tous ces types de relations étaient considérés à l’époque comme anecdotiques et sans grande influence sur le cours global des événements.

La compétition existe, mais ce n'est pas le seul mode de relation
Aujourd’hui, un très grand nombre de résultats expérimentaux contredisent ces hypothèses, et force est de constater que c’est exactement le contraire : ce sont les relations de coopération et de mutualisme qui dominent largement chez les êtres vivants, non seulement chez ceux qui nous ressemblent, comme les mammifères, mais aussi chez les plantes et même chez les bactéries et les virus ! Par ailleurs ces interactions ne concernent pas seulement les individus entre eux, mais souvent un ensemble très complexe, comprenant de nombreuses espèces différentes : c’est l’objet justement de l’écologie qui, avant d’avoir le sens politique qu’on lui donne aujourd’hui, désignait l’étude des interactions des êtres vivants dans leur milieu.

Nous sommes donc en train de changer notre vision des relations des êtres vivants entre eux. À la faveur de ces découvertes dans les relations naturelles, ne pourrait-on pas s’attendre à voir s’épanouir de nouveaux modèles économiques qui ne soient plus uniquement basés sur la concurrence, mais qui s’appuieraient au niveau théorique sur des relations de coopération et de mutualisme ? Bien sûr, il existe dans notre économie des sociétés coopératives de toutes sortes et des organismes mutualistes. Mais existe-t-il des modèles économiques globaux qui intègrent ces types de relations dans leurs fondements ?

Amis lecteurs, qu’en pensez-vous ?


Renaud CHEREL


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    Relations humaines