Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

lundi 23 septembre 2013

Les mécanismes de défense psychologique

Tous les êtres vivants, pour survivre, doivent se protéger contre les agressions de leur environnement, que ce soient des éléments physiques comme les écarts de température ou le manque d’eau, ou bien des attaques de prédateurs ou de concurrents. En ce qui concerne les êtres humains, ils semblent a priori bien peu protégés : ils n’ont pas d’épaisse fourrure pour se préserver du froid, ils ne disposent pas de canines acérées ou de cornes redoutables pour se défendre contre les animaux sauvages, ni de cuir épais pour se prémunir contre les piqûres d’insectes… on pourrait ainsi continuer la liste de ce qu’ils n’ont pas. Par contre, sur le plan mental, ils ont développé un arsenal considérable qui leur permet de faire face à la plupart des situations.

Comme les Romains installaient différents systèmes de défense
autour de leurs camps fortifiés, ainsi faisons-nous pour protéger
notre identité personnelle.
C’est ainsi que nous disposons de très nombreuses ressources intérieures pour faire face à la vie, pour nous défendre de tout ce qui pourrait nous agresser, mais aussi maintenir le sens de notre identité et nous sécuriser. Ces ressources peuvent aussi nous aider à nous épanouir, quelles que soient les conditions dans lesquelles nous vivons.

Les spécialistes appellent ces ressources intérieures les « mécanismes de défense ». Ceux-ci sont très nombreux, puisque le psychologue Alain Braconnier en dénombre vingt-sept. Cependant, depuis notre tendre enfance, nous avons eu tendance à n’en privilégier qu’un nombre restreint, et souvent à ne recourir qu’à ceux-là, qui nous sécurisent, au détriment de tous les autres. Ces mécanismes de défense opèrent généralement à l'arrière-plan, sans que nous en ayons vraiment conscience, mais deviennent particulièrement actifs quand nous nous sentons menacés. C’est un peu comme si nous avions recours à une gamme automatique de réactions, sans pouvoir en sortir ; et il peut nous arriver, après coup, de regretter notre réaction et nous dire : « Mais pourquoi donc ai-je réagi comme cela ? Ce n’était vraiment pas la meilleure façon de faire, mais je n’ai pas pu m’en empêcher ! » Ainsi, même si ces mécanismes préférentiels ont pu nous être utiles à une période antérieure de notre vie, le fait d’avoir restreint notre palette de réponses peut nous être défavorable aujourd'hui.

À l’extrême, l’usage excessif du même mécanisme dans pratiquement toutes les situations peut être considéré comme pathologique. Ainsi, Serge a tendance à interpréter tout intervention d’autrui comme agressive ; si on lui dit « il fait beau aujourd'hui », il va chercher quelle est la critique voilée de cette phrase et si on lui offre un cadeau, il va y trouver une mauvaise intention cachée. Il utilise le mécanisme de projection, en prêtant à son interlocuteur des intentions négatives qu’il n’a pas forcément. En conséquence de quoi, il n’a pas d’amis et beaucoup de ses relations le fuient.

Comme la projection, certaines stratégies défensives peuvent avoir des conséquences dommageables pour notre vie relationnelle. Inversement, d’autres mécanismes de défense ont des conséquences plutôt heureuses en nous permettant de réduire les tensions. C’est le cas de l’humour, la sublimation, l’affirmation de soi, l’anticipation, l’action, le recours à autrui, l’auto-observation.

Nous pourrons examiner ces mécanismes dans les semaines et les mois à venir.


Renaud Cherel



Alain Braconnier, dans Protéger son soi pour vivre pleinement, définit 27 mécanismes de défense, répartis en trois groupes. Dans le premier, baptisé « efficacité maximale », il regroupe ce qu’il appelle les défenses « heureuses » : des forces intérieures qui préservent le bien-être de la personne. Dans le second, intitulé « Prise sur soi », il rassemble des ressources dont l’efficacité est partielle et dont l’utilisation représente un certain coût psychologique. Dans le troisième, « Dernier recours », il rassemble des mécanismes que l’on peut utiliser en situation extrême mais qui s’avèrent très nocifs à forte dose.
J'ai noté en bleu les mécanismes abordés dans ce blog.

Groupe « Efficacité maximale »
Rassemble 7 mécanismes, qui ne sont pas considérés comme pathologiques :
1. Humour : Moyen de parvenir à éviter une situation pénible pour soi ou pour les autres grâce à une plaisanterie ou à un mot d’esprit.
2. Sublimation : Mécanisme permettant de détourner la satisfaction interdite des pulsions vers une activité ou une réalisation acceptable et socialement valorisée.
3. Auto-observation : Outil permettant de se donner le temps de la réflexion pour ne pas réagir trop affectivement ou impulsivement.
4. Affirmation de soi : Fait d’exprimer clairement et directement ses sentiments et ses souhaits sans angoisse excessive ou culpabilité.
5. Anticipation : Mécanisme consistant à imaginer des solutions ou des situations futures susceptibles d’atténuer le stress engendré par la prévision de problèmes à venir.
6. Action : Fait de recourir à l’action utile et réfléchie, sans tomber dans l’activisme ou céder au passage à l’acte impulsif.
7. Recours à autrui : Capacité à rechercher l’aide et le soutien de quelqu’un d’autre que soi pour faire face à une situation difficile.
Remarque:
Alain Braconnier cite l'action comme mécanisme de défense; d'autres auteurs y ajoutent l'activisme ou suractivité qui poussaient être classés dans le groupe "prise sur soi".

Groupe « Prise sur soi »
Ce groupe rassemble 14 mécanismes :
1. Identification : Mécanisme consistant à s’attribuer inconsciemment un aspect de l’autre que l’on désire posséder par l’attrait qu’il représente pour soi.
2. Séduction : Mécanisme permettant d’apaiser ses tourments ou la crainte de l’autre en suscitant un intérêt, un attrait ou une complicité.
Ce mécanisme n’est pas cité par la plupart des auteurs.
3. Mise à l’écart : Consiste à éviter de penser momentanément aux choses désagréables. Alain Braconnier le différencie du refoulement par le niveau de la mise à l’écart : ici, les objets mis à l’écart sont atteignables par le conscient, alors que dans le refoulement, ils sont rejetés dans l’inconscient.
Ce mécanisme n’est pas cité par la plupart des auteurs.
4. Intellectualisation : Consiste à contrôler, par un usage excessif de réflexion, de généralisation ou d’abstraction, les représentations gênantes pour éviter de ressentir ce qu’on éprouve en réalité. À un degré de plus, c’est la rationalisation qui, à la différence de l’intellectualisation, déforme la réalité : les pensées et les sentiments internes sont dissimulés derrière des explications rassurantes mais erronées et parfois même incompréhensibles aux autres.
5. Refoulement : Opération consistant à rejeter et conserver dans l’inconscient les représentations inacceptables. C’est le mécanisme le plus général chez l’être humain et le plus anciennement décrit. Il peut être considéré comme un processus psychique universel en tant qu’il serait à l’origine de la constitution de l’inconscient comme domaine séparé du reste du psychisme.
6. Déplacement : Consiste à séparer une représentation pénible de son affect, l’affect étant reporté, par connexion associative, sur une autre représentation plus acceptable.
Pour les freudiens, ce type de phénomènes est particulièrement repérable dans l’analyse du rêve et, d’une façon générale, dans toute formation  de l’inconscient.
7. Fuite : Mécanisme qui permet de s’épargner la rencontre d’une représentation pénible de soi et/ou des autres.
8. Altruisme : L’altruisme n’est pas en soi un mécanisme de défense mais il peut le devenir, quand il s’agit de pratiquer la générosité pour trouver de la satisfaction en soi. Peut conduire au piège de la dépendance.
Ce mécanisme n’est pas cité par la plupart des auteurs.
9. Formation réactionnelle ou inversion des sentiments : Attitude consistant à retirer l’énergie portant sur des représentations inquiétantes pour la contre-investir dans un comportement acceptable et diamétralement opposé.
10. Isolation : Consiste à penser sans rien ressentir, à séparer la représentation pénible de son affect, l’affect étant refoulé tandis que la représentation demeure consciente, mais privée de toute connexion associative.
11. Annulation rétroactive : Consiste en une marche arrière, le fait d’annuler, après énonciation, certaine représentations pénibles au moyen d’actes ou de pensées qui sont mis à la place.
12. Somatisation : Mécanisme consistant à utiliser son corps pour exprimer une plainte ou un mal-être et ainsi demander de l’aide.
13. Rêverie solitaire/autistique : Fait de se réfugier dans son imaginaire, à ses fantasmes, pour contrebalancer l’angoisse suscitée par la réalité telle qu’on la perçoit.
14. Idéalisation et dépréciation : Fait d’attribuer à soi ou à autrui des qualités exagérées. La dépréciation est l’attitude défensive inverse.
Remarques : 
L’introjection est un mécanisme non cité par Braconnier mais présent chez d’autres auteurs. Par ce mécanisme, le sujet fait passer des objets, avec leurs qualités, du « dehors » au « dedans » de soi.

Groupe « Dernier recours »
6 mécanismes :
1. Agressivité passive : Exprimer son ressentiment par une position passive et une manière détournée d’atteindre l’autre.
2. Passage à l’acte : Substituer à la réflexion ou au vécu des sentiments un acte impulsif destiné à décharger les tensions.
3. Régression : Retourner aux stades antérieurs de l’enfance.
4. Clivage : Considérer les autres, et soi-même, comme entièrement bons ou entièrement mauvais, avec uniquement des qualités ou uniquement des défauts, mais jamais les deux ensemble.
5. Projection : Refuser les sensations pénibles et agressives que l’on ressent en les attribuant aux autres ou au monde extérieur. Processus qui peut aller jusqu’à la haine, le sentiment de persécution et le délire.
6. Déni : Nier, partiellement ou totalement, la réalité, psychique ou externe, d’une perception liée à une représentation pénible. Peut aller jusqu’au délire, c’est-à-dire à la création d’une néoréalité plus acceptable.

Bibliographie

Alain BRACONNIER : Protéger son soi pour vivre pleinement, éd. Odile Jacob, 2010. 
Psychiatre et psychologue, l’auteur nous présente dans ce livre les principaux mécanismes de défense que nous utilisons pour nous protéger (il en dénombre 27). Le Dr BRACONNIER montre que nous avons souvent tendance à nous limiter à un nombre très restreint de ces défenses, quelle que soit la situation. Dans cet ouvrage, il nous explique comment utiliser toute la palette de ces défenses à bon escient, en choisissant quelle ressource intérieure mobiliser selon les circonstances. 

Un livre très éclairant.


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