Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

lundi 25 mars 2013

Liberté de l'enfant


Faustin est dentiste : c’est une belle profession, une activité intéressante à la fois sur le plan de la théorie et de la pratique, et qui assure en général un revenu confortable. Faustin a donc tout lieu d’être satisfait sur le plan professionnel ; et pourtant, arrivé autour de quarante ans, il ressent une sourde insatisfaction : lors d’un travail de développement personnel, il réalise qu’être dentiste, c’était le rêve de son papa… mais pas le sien. Il a fait toutes ses études et il s’est installé pour répondre à la demande de son père, un employé modeste qui s’est projeté dans la réussite de son fils.

Jasmine a de grandes facilités intellectuelles, et à l’école elle se situait en tête de classe sans fournir d’effort particulier. Ses parents nourrissaient de grandes ambitions pour elle, mais à la fac, elle a délaissé ses études pour d’autres priorités. Elle vit aujourd'hui de petits boulots tandis que son compagnon touche encore pour quelques mois de maigres allocations chômage. Elle explique qu’elle a rejeté toutes les valeurs bourgeoises de sa famille pour être plus authentique, mais au fond elle ne se sent pas très bien dans sa peau.

Dans le langage courant, les parents disent volontiers « Mes enfants… » : sous une apparence anodine, cette formulation peut laisser entendre que les enfants appartiennent à leurs parents. Pourtant, tout être humain a un droit inaliénable à la liberté et à la dignité, et par conséquent il n’appartient à personne, pas même à ses propres parents. Les parents ne possèdent pas leurs enfants : ceux-ci leur sont confiés et ils n’ont donc pas le droit d’en faire ce que bon leur semble. Inversement – et c’est là toute la difficulté de leur tâche – ils ont la responsabilité de leur enfant et doivent se substituer à lui pour prendre les décisions nécessaires avant qu’il ait atteint sa majorité, la règle étant que ce soit pour le bien de l’enfant.
 

Il leur faut donc sans cesse naviguer entre deux écueils. Trop lâcher, et c’est l’anarchie ; l’enfant-roi, n’ayant rien ni personne contre qui ou contre quoi s’opposer, ne peut pas se construire une personnalité solide, il cède à la moindre de ses envies, il devient prisonnier de ses désirs immédiats et ne respecte ni les autres, ni les règles sociales.

Trop durcir, et c’est l’enfermement, conduisant l’enfant à choisir entre deux attitudes opposées : soit il entre dans la soumission et il aura du mal, plus tard, à s’affirmer comme un adulte libre et responsable ; soit il se révolte. Cette réaction, selon la façon dont elle évolue, peut elle-même conduire à une construction de soi, où le jeune puis l’adulte choisit ce qu’il prend et ce qu’il laisse de côté, ou bien à un rejet en bloc de la société et de ses codes et une vie sociale difficile.

J’aime bien cette phrase de Khalil Gibran : « Vos enfants ne sont pas vos enfants, ils sont les fils et les filles de l’appel de la vie à la vie elle-même. » Qu’en pensez-vous ?

Rêve de liberté (R. Cherel)


Renaud Cherel


Ce message vous a plu ? Vous pouvez voir aussi dans ce blog :
    Autonomie et indépendance
    Obéissance-désobéissance

Liens externes : 
    Indépendance et autonomie, quelles différences ? (blog Montessori)

lundi 18 mars 2013

Rites et rituels


Maquillage rituel chez les Papous 
Qu’est-ce qu’un rite, un rituel ? Au départ, le rite est religieux : c’est une cérémonie réglée ou un geste particulier prescrit par la liturgie d’une religion. Quant au mot rituel, c’est d’abord un adjectif : qui constitue un rite ou qui a rapport avec lui. Comme substantif, le rituel est l’ensemble des règles, des rites ; ceux-ci peuvent être consignés dans un livre nommé rituel.

Actuellement le sens de ces mots a été étendu hors du champ religieux : le rite désigne une pratique réglée et souvent rendue immuable par la force de l’habitude.
Nous avons besoin de rituels, chacun à des degrés divers, même si nous avons aussi besoin de nouveauté. Au niveau individuel, qui n’a pas de petits rituels quotidiens ou réguliers ?

En France, le rituel du repas familial demeure important aujourd'hui.
Quand Marcel rentre du travail le soir, il procède selon un rituel quasi immuable : après s’être débarrassé de son manteau et de ses chaussures, il enfile ses bonnes vieilles pantoufles et s’installe confortablement dans son fauteuil pour lire son quotidien préféré, auquel il consacre une solide demi-heure. Ce n’est qu’après ce temps de transition entre le bureau et la maison qu’il se sent disponible pour d’autres activités.

Tous les matins de la semaine, Paula part exactement à la même heure de la maison, dépose son fils à la garderie au bas de la rue et prend le même bus où elle retrouve les mêmes visages. Avec le temps, elle a pris l’habitude de s’asseoir sur le même siège, à tel point que si par hasard une personne y est déjà installée, elle se sent intérieurement frustrée : « elle a pris ma place ! »

Depuis trois ans qu’ils sont mariés, Yvon et Tiphaine ont l’habitude de se rendre un dimanche sur deux chez les parents de Tiphaine. Sans qu’aucune règle n’ait jamais été ouvertement édictée, toute leur visite est codifié, leurs places à table sont fixées et Yvon connaît d’avance les sujets de conversation qui seront abordés : pour lui, ce rituel est un peu étouffant… tout en reconnaissant qu’il contribue à maintenir le lien.

Au niveau collectif, dans notre société où la place de la religion a fortement régressé et où le temps semble nous glisser entre les mains, de nouveaux rituels surgissent et sont adoptés. Par exemple, le rituel du week-end, celui de la rentrée des classes, celui de l’enterrement de vie de jeune homme ou de jeune fille avant le mariages, etc. Pour certains sociologues, le rite aurait une valeur d’unification des individus d’une société, alors même qu’ils sont séparés par des conditions sociales différentes. Pour d’autres, les rites constituent un marquage qui rend moins abrupts les passages subis au cours de notre existence. Pour des éthologues comme Konrad Lorenz, le rite serait la forme qu’une culture donne à l’agressivité individuelle de ses membres pour circonscrire ses effets désordonnés et indésirables et donc améliorer sa contribution à la conservation du groupe.

Quoi qu’il en soit, ne négligeons donc pas les rituels qui recréent des espaces de neutralité bienveillante où l’échange et la réciprocité favoriseront le maintien du « vivre ensemble » !


Renaud Cherel


Ce message vous a plu ? Vous pouvez voir aussi dans ce blog :
    Habitudes

lundi 11 mars 2013

Améliorer sa qualité de présence

Portrait d'Edgar Morin.

Dans le message précédent, nous avons vu ce que le fait de vivre davantage l’instant présent peut nous apporter. Cela émane d’une sagesse vieille de plusieurs millénaires, remontant probablement aux racines de la culture humaine. Le fait de vivre pleinement l’instant présent a pour effet d’ouvrir notre esprit, notre cœur et nos sens. Nous nous approchons alors – sans y arriver parfaitement, car nous restons des êtres limités – de la perception des choses telles qu’elles sont et non pas déformées par le prisme de nos désirs, de nos aversions, ou de nos conditionnements sociaux et culturels. Les bouddhistes parlent du pouvoir libérateur de la pleine conscience. Ce type de présence au monde, ouverte et attentive, a des conséquences positives sur notre façon d’apprendre, notre santé physique et morale, notre qualité de présence à l’autre et finalement sur notre croissance personnelle et spirituelle. Mais comment accéder à cette qualité de présence ? Quelques pistes :

Le scan corporel : c’est un excellent moyen de prendre conscience de son corps et de développer à la fois sa qualité de concentration et la souplesse de son attention. Le scan peut être effectué debout, assis ou mieux, allongé – attention dans ce cas à ne pas s’endormir sous son effet relaxant ! Une des techniques de scan et la suivante : commencer par porter son attention sur les orteils du pied gauche puis remonter lentement l’attention aux sensations ressenties dans le pied et la jambe jusqu’à l’aine. Repartir des orteils du pied droit jusqu’au bassin, puis passer dans le bas-ventre et l’abdomen, la poitrine, le haut du dos et les épaules. Repartir des doigts des deux mains pour remonter à travers les bras pour revenir aux épaules. De là, remonter par le cou, parcourir toutes les régions du visage et la nuque pour atteindre le sommet de la tête par l’arrière. Terminer en imaginant de respirer par un trou au sommet de la tête, comparable aux évents d’une baleine : le souffle sort par le sommet du crâne comme s’il venait des orteils, et entre pour se répandre jusqu’aux orteils.

La connexion à la respiration : installé confortablement (allongé sur le dos ou assis) dirigez votre attention vers le ventre pour le sentir se soulever à l’inspiration et s’abaisser à l’expiration – c’est la respiration ventrale. Maintenez votre attention sur le souffle ; si votre esprit s’évade, notez ce qui vous a distrait et ramenez doucement votre attention vers votre respiration. Si cela vous arrive cent fois, ramenez chaque fois votre attention sur votre souffle sans vous agacer ni vous soucier de ce qui peut préoccuper votre esprit.
Cette connexion à la respiration peut se faire aussi sous forme de micro-pauses à différents moments de la journée.

Pour faire ces exercices, choisissez un endroit calme et propice, c’est-à-dire dans lequel vous vous sentez bien. Faire les exercices régulièrement et si possible au même moment de la journée. Car nous sommes des êtres cycliques et la répétition joue un rôle important, qui permet de renforcer et de mieux intégrer les attitudes – d’où l’intérêt des rituels, par exemple.


Renaud Cherel


Ce message vous a plu ? Vous pouvez voir aussi dans ce blog :
    Vivre l'instant présent
    Quelques outils pour se recentrer

Bibliographie :
Dr Jon KABAT-ZINN : Au coeur de la tourmente, la pleine conscience, éd. J'ai Lu, coll. Bien-être, Paris 2009. Titre original : Full Catastrophe Living. Using the Wisdom of Your Body and Mind to face Stress, Pain and Illness. Bantam Group, 1990.
Ce gros livre (784 pages) constitue le manuel complet de la MBSR (Mindfulness Based Stress Reduction), ou réduction du stress basé sur la pleine conscience, mise au point par le Dr. Kabat-Zinn. C'est un programme basé sur des techniques de méditation, permettant de réduire la douleur physique ou émotionnelle, l'anxiété et le stress, mais aussi à améliorer la qualité de votre vie et de vos relations.  

lundi 4 mars 2013

Vivre l'instant présent


Yvette est assise, en train d’écouter une conférence ; l’orateur vient de prononcer le mot « balançoire » et aussitôt, elle se revoit petite fille installée sur la balançoire dans le grand jardin de sa grand-mère : son frère la poussait de plus en plus haut, jusqu’à ce qu’elle pousse des cris de frayeur… Quand elle revient mentalement dans la salle, le conférencier a poursuivi son propos, et il faut quelques instants à Yvette pour comprendre de quoi il parle : elle s’aperçoit qu’elle a perdu le fil de la causerie.

Théodore se presse pour attraper son train ; tout en marchant, il est déjà mentalement à son bureau, en train d’anticiper la façon dont il va traiter les dossiers en cours. Ce faisant, il n’a pas vu la voiture qui arrivait au moment où il traversait la rue, et se voit ramené à la réalité par un puissant coup de klaxon.

Soline a l’habitude de faire un petit détour, en allant au travail en voiture, pour déposer sa fille devant l’école. Le premier jour des vacances scolaire, en se retrouvant devant l’école, elle réalise qu’il n’y a pas classe aujourd'hui – d’ailleurs sa fille n’est pas dans la voiture – elle aurait donc pu s’épargner ce détour.

Philibert est au volant, et son regard est accroché par la voiture de police qui vient de passer dans l’autre sens, gyrophares allumés. Cela lui rappelle instantanément la fois où il s’est fait arrêter sur l’autoroute pour excès de vitesse : il revoit mentalement la mine renfrognée du CRS qui l’interpellait… Mais pendant ce temps, Philibert n’est pas vraiment en train de conduire et sa sécurité dépend de la qualité de ses réflexes ; heureusement, cela ne dure qu’un instant, et son attention retourne sur la route… pour être happée un peu plus loin par autre chose.

Papillon butinant une fleur de knautia (photo R. Cherel)
Probablement avez-vous vécu ce genre de situations : la plupart du temps, nous fonctionnons mécaniquement sans être pleinement conscients de ce que nous sommes en train de faire. Notre attention a du mal à se concentrer longtemps, elle a plutôt tendance à vagabonder d’un objet à l’autre. Soit, comme Théodore, nous nous projetons dans l’avenir ; soit, comme Yvette ou Philibert, nous revenons dans le passé ; soit encore, comme Soline, nous avançons en pilote automatique. Dans la vie quotidienne, nous sommes très facilement distraits par un stimulus qui va s’emparer de notre attention, si bien que nous ne sommes plus là, mais perdus dans nos pensées, nos rêveries.

« Et alors, me direz-vous, en quoi est-ce gênant ? »
Simplement, à cause de cette activité intérieure, qui fait partie de ce que Blaise Pascal appelle la distraction, nous risquons de passer à côté d’une partie de notre vie, de réduire sa valeur et son sens. Nous pouvons même passer à côté d’expériences très précieuses, comme de ne pas être en lien avec ceux que nous aimons, de ne pas admirer la beauté de ce lever de soleil ou de ne pas ressentir la caresse du vent sur notre peau… 

Car nous n’avons que des instants à vivre.


Renaud Cherel


Ce message vous a plu ? Vous pouvez voir aussi dans ce blog :
    Améliorer sa qualité de présence
    Se recentrer dans l'ici et maintenant
    L'observateur intérieur ou la pleine conscience
    La nostalgie n'est plus ce qu'elle était