Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

lundi 2 juillet 2012

Pardon et exigence


Oriane et Maurice se disputent régulièrement, et leurs scènes sont parfois assez violentes : la dernière fois, Oriane a lancé des insanités à la tête de Maurice qui a réagi en giflant sa compagne. Cependant, très souvent, les choses se terminent un peu de la même façon : après qu’Oriane ait pris de la distance, Maurice revient tout penaud vers elle en lui disant qu’il regrette ce qu’il a fait et qu’il ne recommencera plus. Oriane lui reproche vivement son comportement puis, la plupart du temps, devant l’attitude contrite de Maurice, elle finit par lui répondre qu’elle lui pardonne et ils se réconcilient sur l’oreiller. Mais insensiblement la situation se dégrade et Oriane a l’impression que peu à peu ils entrent dans une spirale de violence dont ils n’arrivent plus à se dégager…

Tous les pédagogues le savent : le pardon doit se conjuguer avec l’exigence. Le pardon, tel que nous l’avons défini précédemment, n’a rien à voir avec le laisser-faire, le laxisme ou l’excès d’indulgence. Compris dans ce sens, non seulement le pardon a peu de valeur, mais il risque d’entraîner des conséquences négatives, il devient toxique  pour la relation.

Ainsi, une étude étalée sur quatre ans effectuée par un psychologue américain auprès de jeunes couples mariés montre que la façon d’exprimer le pardon influe sur leurs relations : les couples ayant déclaré être relativement indulgents maintenaient un niveau d’agressions stable (agressions psychologiques et physiques). Les couples moins indulgents, au contraire, connaissaient une baisse de ces mêmes agressions après plusieurs années de mariage. L’auteur, qui a aussi étudié le comportement de délinquants, interprète ces résultats de la façon suivante : le fait de trop facilement pardonner peut conduire l’autre à se sentir libre de récidiver ; inversement, la fermeté pousse l’autre à prendre davantage en considération les conséquences indésirables de ses actes.

Comme on l’a vu précédemment, le pardon n’est pas l’excuse ni l’oubli, il n’enlève pas la responsabilité de la faute commise. Si ces conditions ne sont pas respectées, les interlocuteurs risquent de glisser, comme Oriane et Maurice, dans la relation dite du « triangle dramatique ». C’est un scénario relationnel toxique décrit par le psychologue Karpman : les protagonistes vont se situer dans l’un des trois rôles symboliques de Victime, Persécuteur ou Sauveur. Quand une personne utilise l’un de ces rôles (par exemple la Victime), il y a de grandes chances qu’elle entraîne l’autre à jouer un rôle complémentaire (le Sauveur ou le Persécuteur). Ainsi, dans une altercation, Maurice peut être le Persécuteur et Oriane la Victime. Mais l’expérience montre que souvent, les interlocuteurs passent d’un rôle à l’autre selon les moments : du rôle de Victime, la personne peut par exemple passer à celui de Persécuteur. Quand Maurice vient s’excuser auprès d’Oriane, il peut entrer dans le rôle de Victime, tandis qu’Oriane peut facilement passer dans le rôle du Persécuteur… et ainsi de suite. Sortir de cette dynamique triangulaire n’est pas chose aisée.
Le triangle dramatique de Karpman
L’acte de pardonner n’est donc pas anodin : il doit garder son caractère exceptionnel et doit être utilisé avec discernement.

Renaud CHEREL



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